Papillotte

Il était une fois un pays où tous les gens étaient heureux.

 

Sur l’air de la mère Michel :

Dans un pays de rêve il y a des tas de gens

Venus des coins d’la terre, s’arrêtent, ont des enfants

Un pays sans frontière, où il fait bon s’aimer, un pays sans frontière où il fait bon rester

Donne-moi ta main par amitié et prends ma main on va danser

Sur l’air du tradéridéra et tralala

 

Dans ce pays, il y avait un roi et une reine. Ils avaient un enfant.

Tout semblait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes possible mais… A l’autre bout du monde, la sorcière Smalfasse regardait fréquemment dans sa boule de cristal et repérait tous les endroits où les gens étaient heureux, trop heureux pour elle. Un jour, elle vit dans sa boule de cristal ce pays et…

 

Ce jour-là, on voit passer dans le royaume une vieille, une petite vieille, fripée et insignifiante. Personne ne lui accorde trop d’attention. Elle gagne le palais et frappe à la porte. On lui ouvre, elle entre et demande à voir le roi et la reine.

A peine a-t-elle pénétré dans la salle du trône que le vent se met à souffler et qu’une tempête se déchaîne. La vieille se met à grandir, à grandir, jusqu’à devenir une femme splendide vêtue d’une robe de reine mais son regard est dur et sa voix tranchante comme une lame affûtée.

Elle dit que la situation de bonheur dans ce pays est insupportable et qu’elle va y remédier. Elle ordonne au roi et à la reine d’interdire aux gens de sortir de chez eux et de subvenir à leurs besoins. Elle exige que plus personne ne danse ni ne rit.

Elle ajoute que s’ils ne suivent pas ses consignes, elle fera les choses suivantes :

Elle transformera le roi et la reine en statues de glace placées devant leur palais. Ils ne mourront pas mais seul les battements de leurs cœurs et leurs regards trahiront cela. Ils pourront ainsi constater les méfaits de Smalfasse sans avoir le pouvoir de faire quoi que ce soit.

Le petit prince sera entièrement sous sa coupe et deviendra peureux et incapable d’aller à l’encontre de ses volontés.

En attendant, le pays va être plongé dans un hiver perpétuel et se couvrir de neige…

Puis…La tempête se remet à souffler et la reine blanche Smalfasse redevient cette petite vieille insignifiante qui quitte le pays sans être inquiétée.

Le temps passe et les gens de ce pays deviennent tristes et affamés. 

Plus personne ne sort de chez soi. 

La neige, le froid, l’hiver règnent en maîtres.

 

Le roi et la reine sont malheureux et réfléchissent à la manière dont ils pourraient remédier à la situation insupportable dans laquelle Smafasse les a plongés. C’est alors qu’ils se souviennent qu’ils ont, au fond de leur grenier, une petite charrette donnée il y a longtemps par une fée. Elle est invisible. Ainsi, ils pourront, chaque nuit, l’envoyer à travers le pays pour ravitailler les gens et leur apporter du feu. Ils mettent leur projet à exécution en recommandant bien à chacun d’éteindre lumières et cheminée avant le matin pour que Smalfasse ne s’aperçoive de rien.

Le temps passe jusqu’au jour où… Smalfasse se réveille plus tôt qu’à l’ordinaire et découvre, en consultant sa boule de cristal, que du feu sort des cheminées… Alors, furieuse, elle déchaîne une tempête sur ce pays-là et arrive sur les lieux en moins de temps qu’il ne faut pour le dire.

Elle met ses menaces à exécution : roi et reine sont transformés en statues de glace et le petit prince est désormais à sa merci.

Le temps passe encore… Le prince grandit et devient roi : le roi blanc qui n’aime pas les gens différents.

Un jour, pieds nus et habillée d’une méchante robe, une fille traverse la pays blanc, ce pays où le roi n’aime pas les gens différents.

Elle frappe à la porte du palais et demande asile pour se réchauffer auprès du feu qui crépite dans la cheminée.

Le roi ouvre seulement sa fenêtre et lui répond de passer son chemin. 

Il referme aussitôt la fenêtre.

 

Papillotte (c’est ainsi que se nomme la fille) tourne les talons et s’apprête à reprendre sa route lorsque un petit papier tombe à ses pieds, un petit papier blanc comme les flocons de neige qui virevoltent autour d’elle. Elle se baisse, le ramasse et se retourne. Alors, il lui semble apercevoir le roi, derrière ses carreaux, et lui pleure. Vérité ou illusion ?

Papillotte cherche un endroit où s’abriter pour lire le message. Elle s’assied dans l’encoignure d’une porte, remonte ses genoux sous son menton, descend sa robe sur ses pieds, essaie de réchauffer ses doigts… Puis elle déplie le papier. Elle lit : « Je suis le roi blanc mais je ne suis pas méchant et ce n’est pas vrai que je n’aime pas les gens différents. La sorcière Smalfasse a jeté un mauvais sort sur le pays, a transformé mon père et ma mère en statues de glace et m’a ôté tout courage. Je ne peux rien faire mais toi, tu peux m’aider. Vas chez la sorcière et rapporte-la moi sous forme de pain d’épice ! ».

Papillotte ne sait pas quoi faire. Elle réfléchit. C’est à ce moment-là que passe devant elle un chevalier sans cheval ni armure. 

 

Il lui dit qu’il a essayé d’aller chez Smalfasse mais sans succès.

Ils prennent le chemin qu’ils ont devant eux et marchent dans la tourmente. Le rire de Smalfasse résonne !

 

Ils arrivent près d’une rivière tumultueuse qui charrie des blocs de glace impressionnants. Un pont la franchit mais il est couvert de serpents de toutes les grosseurs. 

Papillotte décide de tenter sa chance parce qu’elle est plus légère que le chevalier. Mais à peine a-t-elle mis le pied sur le pont que ceux-ci se mettent à siffler autour d’elle et à se dresse devant elle. Effrayée, elle revient vers le chevalier. Celui-ci saisit un lourd bâton et s’avance à son tour. Il frappe et droite, il frappe de gauche. Sans succès : les serpents ne cèdent pas un pouce de terrain.

C’est alors qu’ils se disent que : « Tout seul, on ne peut rien mais à deux, on est plus courageux ! ». Le chevalier se souvient qu’il a traversé de nombreux pays où des chanteurs égayaient les soirées des seigneurs. Papillotte monte sur les épaules du chevalier et elle se met à chanter une complainte de son enfance. Les serpents cessent de siffler, ils s’apaisent et l’un d’entre eux, dont la tête est couronnée, glisse jusqu’à eux. Il dit : « Je suis le roi des serpents et jusqu’à ce jour nous n’avions jamais entendu quelque chose d’aussi beau. Smafasse la sorcière ne nous a jamais chanté quoi que ce soit. Alors, bien que nous soyons à son service, nous allons vous aider. Quand vous serez chez elle et que vous aurez trouvé sa baguette magique, il faudra prononcer la formule suivante :

"Simsa, simsa, vieille sorcière transforme-toi

Pain d’épice tu seras"

Ensuite, vous pourrez réutiliser la baguette, deux fois seulement. Il faudra dire sensiblement la même chose et indiquer en quoi vous voulez voir les choses se transformer. »

Papillotte et le chevalier remercient le roi, tous les serpents les laissent passer et nos deux héros poursuivent leur route.

Ils marchent, ils marchent et parviennent dans une sorte de gorge étroite dont le passage est barré par l’entrée d’une caverne. Pas moyen de passer par un autre endroit, les parois du défilé étant trop escarpés ! Le rire de Smalfasse résonne encore une fois!

 

A peine ont-ils mis un pied dans la caverne que des torches s’allument toutes seules, tenues à bout de bras par des mains sorties des parois. Aussitôt, le chevalier plaque Papillotte au sol et ils voient, dans le fond de la caverne, une fois les torches rentrées dans la roche, un dragon dont l’œil rougeoie au milieu du front. C’est forcément Ramina la dragonne dont tout le monde parle dans le pays, à la solde de Smalfasse et qui a déjà réduit en poussière bon nombre de gens. Il faut réfléchir !

Ils aperçoivent dans la pénombre quelque chose qui brille et très vite Papillotte dit que c’est une épée. Voilà une idée pour se débarrasser de Ramina : lui crever l’œil qu’elle a au milieu du front. Mais comment faire pour prendre l’objet et s’approcher du monstre sans encombre ? Il faut réfléchir !

« Tout seul, on ne peut rien mais à deux, on est plus courageux ! ». Le chevalier se souvient de ces soirées dans les châteaux traversés avec des danseurs merveilleux qui faisaient le bonheur de l’assemblée. Il rampera jusqu’à l’épée, la sortira de la pierre tandis que Papillotte détournera l’attention de Ramina en dansant pour elle.

Ils mettent leur plan à exécution et : ça marche ! La chevalier s’approche alors de Ramina et lorsqu’il lève l’épée pour lui crever l’œil, celle-ci se met à briller si fort que la dragonne est obligée de fermer son œil. Elle supplie qu’on lui laisse la vie, dit n’avoir jamais été aussi enchantée par quelqu’un que par Papillotte qui lui a offert une danse, explique que l’épée redonne vie à tout ce qu’elle touche (herbe, arbres, rivières…) et que si le chevalier la tue l’épée perdra son pouvoir.

Papillotte et le chevalier se regardent et décident de laisser la vie à Ramina mais par prudence ils quittent la grotte en reculant et en tenant l’épée devant eux.

Dès qu’ils sont sortis, ils se retrouvent dans une verte prairie jonchée de fleurs, avec des arbres fruitiers, le soleil au dessus de leur tête et les oiseaux qui chantent. Ils avancent et trouvent cet endroit très beau. Ils marchent, ils marchent, ils marchent tant et tant qu’ils finissent par être fatigués et surtout, ils ignorent où ils sont : ils sont bel et bien perdus !

Ils parviennent dans une clairière où ils découvrent une petite maisonnette. Ils s’avancent. La maison est tout en sucreries et bonnes choses à manger. Ils vont céder à la tentation lorsqu’ils entendent un bruit qui les arrête dans leur geste et les murs se mettent à parler : «  Ne faites pas ça sinon, vous vous retrouverez comme nous, prisonniers des murs de la maison de Smalfasse et destinés à être mangés ! »

Que faire ? Ils font quelques pas pour trouver une idée lorsqu’ils arrivent à une rivière rose bonbon à l’odeur de fraises, de groseilles et de framboises mélangées. « Tout seul, on ne peut rien mais à deux, on est plus courageux ! » dit Papillotte en voyant le désespoir de son ami qui n’a trouvé aucune idée. Voilà ce qu’ils vont faire : d’abord, ils se tremperont dans l’eau, entièrement, sans avaler une seule goutte du breuvage de la rivière. Ainsi, leur odeur d’humain sera-t-elle atténuée. Ensuite : le chevalier attirera Smafasse à l’extérieur de sa maison en faisant du bruit et Papillotte en profitera pour y entrer, trouver la baguette magique et se cacher pour ensuite transformer la sorcière en pain d’épice.

Comme les deux premières fois, ils mettent leur plan à exécution.

La sorcière attirée par le bruit sort, Papillotte se glisse dans la maison, trouve la baguette posée sur la table, se met dans un coin d’ombre.

Quelques instants plus tard, Smalfasse revient et hume l’air. Elle promène son nez partout dans la maison. Quelque chose la trouble… mais quoi ?

Au moment où elle s’approche dangereusement de Papillotte, celle-ci brandit la baguette et dit :

« Simsa, simsa, vieille sorcière transforme-toi

Pain d’épice tu seras »

 

La sorcière grommelle, se contorsionne, se ratatine et tombe finalement sur le sol sous forme de sorcière en pain d’épice. Papillotte la prend et la glisse dans les plis de sa robe.

Mais, puisque la baguette peut servir deux fois encore… Papillotte dit :

« Simsa, simsa, prisonniers transformez-vous

Et revenez parmi nous ! »

La maison se met à bouger et bientôt sortent des murs, du toit et des meubles tous ceux que Smalfasse avait emprisonnés dans l'intention de les manger.

Tous ensemble prennent la route du retour au pays blanc. Le chevalier tient l’épée devant lui et au fur et à mesure qu'ils avancent, la terre se réchauffe, le vent s'adoucit, le soleil brille plus fort. 

Quand ils arrivent aux abords du palais, le sortilège n'a cependant pas complètement disparu.

 

Encore la possibilité pour Papillotte d’utiliser la baguette pour le roi et la reine. Elle dit :

« Simsa, simsa, roi et reine transformez-vous

Brisez la glace c’est tout ! »

Alors, on a fait une grande fête avec le roi, la reine, le roi blanc qui aimaient tant les gens différents. On a dansé, on a chanté , on a bu aussi, évidemment.

 

Sur l’air de la mère Michel :

Dans un pays de rêve il y a des tas de gens

Venus des coins d’la terre, s’arrêtent, ont des enfants

Un pays sans frontière, où il fait bon s’aimer, un pays sans frontière où il fait bon rester

Donne-moi ta main par amitié et prends ma main on va danser

Sur l’air du tradéridéra et tralala

 

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Sur l'air de la souris verte:

Etre tous ensemble

Vivre bien ensemble

Notre monde est plein d' couleurs.

Paix et joie sont revenues

On peut tout se dire

Personne n'est raciste

On peut tous s'aimer

On est bien content d'être di-ffé-rents!

 

Et l’histoire est terminée ?

Non, le chevalier et Papillotte… Enfin je n’en dirai pas plus…

Qu’est devenue la sorcière, la sorcière en pain d’épice j’entends?

Et bien, dois-je vous l’avouer ?… Je l’ai partagée en trois :

Un morceau pour le roi blanc qui a aussitôt retrouvé ses couleurs.

Un morceau pour les gens, pour tous les gens de ce pays différent.

Un morceau pour moi car je l’ai bien mérité puisque c’est moi qui ai conté !