Barnabé Esclave ...

 


Dans un village d'Afrique, au bord de la mer, Barnabé, un jeune homme courageux, a tué le plus méchant des lions, un mangeur d’hommes. Le chef du
village décide de lui donner sa fille en mariage. Elle s’appelle Soumiya. Elle est jolie, a les cheveux longs et noirs. Sa peau est marron un peu clair. Elle ressemble à une reine.Tellement elle est belle, on dirait une déesse. Ses yeux sont allongés et un peu bridés. Elle a une tache un peu plus claire au coin de l’œil.

On fait une grande fête qui dure trois jours et trois nuits. On dépèce l’animal pour vendre sa peau et manger sa viande. Chaque soir, les gens dansent autour d’un grand feu. Tout le monde est très heureux. Soumiya et Barnabé ont des étoiles dans les yeux tant leur bonheur est grand.


Mais derrière un arbre, il y a un homme Blanc de forte corpulence qui observe ce qui se passe. Il a été envoyé par un propriétaire de champs de coton en Amérique, qui a besoin d’hommes forts pour travailler. Le troisième soir, il profite du fait que Barnabé s'éloigne un peu du groupe pour satisfaire un petit besoin pour le kidnapper. Ne le voyant pas revenir, les gens du village partent à sa recherche et tombent tous dans un grand piège que l’Homme Blanc avait fait creuser, durant le temps de la fête, sans que quiconque s'en aperçoive. Il s'agit d'un grand trou qu’il a fait recouvrir de feuilles et de branchages.
Les femmes, quant à elles, sont restées au village pour s'occuper des enfants mais Soumiya a suivi la scène de loin.

Elle a tout vu: les Hommes Blancs triant les Noirs comme du vulgaire bétail, mettant les plus forts d'un côté, renvoyant les plus faibles de l'autre sans ménagement, les frappant méchamment... Elle voit aussi l’Homme Blanc et ses employés leur attacher les mains et les pieds, leur mettre des chaînes et des boulets pour entraver leurs mouvements et les pousser dans le bateau qui attend sur la rive. Les voiles se gonflent et le navire s'éloigne des côtes africaines. Ce bateau est un négrier- galère où sont entassés, serrés les uns contre les autres et enchaînés, les futurs Esclaves. Ils sont allongés à fond de cale pendant le temps de la traversée qui devrait durer de trois à six semaines. La chaleur est étouffante, le manque d'eau et de nourriture les accable.

Au bout d'un moment, le vaisseau n'avance plus: c'est le calme plat. Pas une ride sur la mer, pas un souffle de vent... Les voiles pendent
lamentablement le long des mâts... On détache alors les mains des hommes Noirs pour qu’ils puissent ramer. Ils refusent. Le chef des Hommes Blancs, qui se fait appeler Messire Diego, menace de tuer le chef du village immédiatement. Le bateau reprend le fil de son voyage grâce aux Esclaves qui rament sans relâche sous la menace du fouet. Les côtes africaines ne sont bientôt plus visibles.
Direction : l’Amérique!


Pendant ce temps, Soumiya, qui veut aider son mari et son père, cherche une idée pour le faire. Elle pense à son ami le dauphin magique et elle l'appelle:

Dauphin, dauphin magique, viens à mon aide
Pour sauver Barnabé qui a besoin de toi

Les Blancs, voyant que les Noirs rament, vont se reposer. Ils laissent un seul homme qui monte la garde en conservant un oeil sur eux. Tout d’un coup, Barnabé entend une petite voix qui l’appelle. Il regarde autour de lui mais ne voit rien. Mais la voix l’appelle toujours. Barnabé regarde par un hublot et il découvre Soumiya qui est sur le dos d’un dauphin. Le cœur de Barnabé bat très fort. Très vite, les prisonniers sont informés de ce qu'a vu Barnabé et progressivement, ils s'arrêtent de ramer. Pourtant le bateau continue à naviguer.


Le garde, qui les voit immobiles et aperçoit à son tour Soumiya et le dauphin, s’apprête à crier pour appeler à l’aide. C'est à ce moment-là que le chef, qui a voulu emporter avec lui du sable de son pays comme souvenir et qui l'a gardé sur lui, lui en lance dans les yeux. Il profite ensuite de sa confusion et de son aveuglement passager pour l'assommer.


Avec l'aide de Soumiya qui, montée à bord, s'est glissée à pas de loup jusque dans la cabine de Messire Diego et lui a dérobé sans le réveiller la clef des chaînes qu'il portait autour de son cou, Barnabé, profitant du sommeil des autres Blancs, libère tous ses amis qui assomment ces derniers avec leurs rames et les ligotent sur des chaises et contre les mâts. Dans leur fureur, les mutins, les révoltés, jettent tous les objets de valeur volés par les Blancs par-dessus bord, y compris le coffre de mariée, offert par Barnabé au chef du village, en échange de sa fille qu'il prenait en mariage. Soumiya, quant à elle, reste un peu à l'écart pour ne pas prendre de coups.


Mais pendant ce temps, le garde Blanc s’est réveillé car il n'était que moyennement assommé. Il est parti à la recherche de la voix de Soumiya , a trouvé la jeune femme et l’a capturée. Il a voulu tuer le dauphin mais il n’a pas été assez rapide et ce dernier a plongé dans les flots. Il ramène sa prisonnière en tenant un couteau sur sa gorge. Les Noirs sont terrorisés. Quand il leur ordonne de reprendre leurs postes sur le pont, les Noirs ne manifestent aucune opposition, pas plus que lorsque les Blancs les attachent à nouveau solidement à leur banc. Les prisonniers se remettent à ramer pour sauver Soumiya qui est ligotée sur le pont du navire, contre le mât, dos à dos avec le chef.


Messire Diego s'approche alors de Barnabé et lui dit : "Si tu ne me ramènes pas le coffre que tu as jeté à la mer, je tue Soumiya et son père, le chef. Si tu me le rapportes, je les libérerai tous les deux et tu auras la vie sauve!" Avant même que Barnabé ait pu dire et faire quoi que ce soit, Messire Diego ordonne qu'on le saisisse enchaîné et qu'on le fasse basculer par-dessus bord. Cela plaît à Messire Diego qui éclate d'un grand rire à la face des Noirs qui sont pétrifiés par la scène qui vient de se dérouler sous leurs yeux...


Barnabé coule inéluctablement au fond de la mer, entraîné par le poids du boulet qu'il a à la cheville. Il trouve cependant la force de prononcer la formule magique qui permettra au dauphin de lui venir en aide. Il connaît en effet cette formule grâce à Soumiya qui le jour de leur mariage lui avait parlé du dauphin magique et de la manière dont il fallait s'y prendre pour qu'il apporte son aide en cas de besoin.


Dauphin, dauphin magique, viens à mon aide
Pour me sauver moi qui ai besoin de toi


Le dauphin arrive dans les instants qui suivent son appel et il lui tend du bout du museau un coquillage afin qu'il respire. Barnabé se hisse comme il peut sur son dos. Le dauphin conduit Barnabé aux abords de l'épave dans laquelle le coffre est tombé mais Barnabé se rend compte que l'approche va en être difficile, voire risquée: l'épave est entourée de sables mouvants et un monstre marin en défend l'entrée... Ce monstre, mi-ours, mi-poisson, tout velu, à la tête très bizarre. Barnabé n’a jamais rien vu de pareil : quatre yeux, deux bouches et trois nez...Cela fait beaucoup pour un seul être vivant…
Tout d’abord, Barnabé se cache dans le creux d’un gros rocher pour mieux l’observer. Il voit aussi que l’épave est recouverte d’algues et de coquillages. A travers les planches trouées de la coque, il aperçoit quelque chose qui ressemble à des squelettes. Il en déduit qu'il s’agit sans doute d’Esclaves Noirs qui ont été capturés par d’autres Blancs venant d’Amérique et qui se sont noyés suite au naufrage de leur bateau. Une tempête les a probablement surpris.
Barnabé décide de s’approcher de l’épave. Il prend le boulet dans ses bras et il commence à marcher tant bien que mal au fond de l’eau, en respirant toujours grâce à son coquillage. Arrivé près de l’épave, il sent le sable bouger sous ses pieds. Il s’enfonce tout doucement jusqu’au cou. Il a beau se débattre, il ne réussit pas à se sortir de là. A ce moment-là, le dauphin, qui était resté dans les parages, lui dit : « Ne bouge pas, sinon le sable t’engloutira plus vite. » Et il se retourne vers Barnabé. « Attrape ma queue ! » Barnabé parvient à saisir la queue du dauphin et à remonter tant bien que mal sur son dos.
Le dauphin approche alors Barnabé de l’entrée de l’épave, mais à cet instant, tous deux voient surgir le monstre qui s’était caché. D’un grand coup de dent, ce dernier essaie de déchiqueter le pauvre Barnabé qui a juste le temps de l'éviter, puis il ouvre grande sa gueule pour l'avaler et Barnabé se cache précipitamment derrière un rocher. Heureusement, les chaînes qui l’entourent se brisent dans la bagarre. Barnabé en profite pour saisir le boulet qui n’est plus attaché et le lance sur le monstre qui tombe raide... Barnabé s’avance à l’intérieur de la coque de l’épave. Là, entre deux squelettes, il voit le coffre. Ça y est, il l’a trouvé ! Il le prend dans ses bras et remonte sur le dos du dauphin qui se met à nager vers la surface.


Lorsque Barnabé parvient à la surface, Messire Diego lui fait jeter une échelle de corde et il se hisse dans le navire. Barnabé est immédiatement
ceinturé par les Blancs. Puis Messire Diego détache Soumiya et lui dit qu'elle est libre. "Fais vite, dit-il, avant que je ne change d'avis!" Soumiya appelle le dauphin.

Dauphin, dauphin magique, viens à mon aide
Pour me sauver moi qui ai besoin de toi

Celui-ci arrive. Soumiya descend du bateau et saute sur son dos. Elle reste quelques instants là, attendant que le chef la rejoigne." Et le chef? dit Barnabé, tu avais promis!..." "Le chef...", dit Messire Diego...Tu imagines que tu vas abuser de ma bonté et de ma patience... J'ai déjà assez fait!" Et pour toute réponse,
il frappe violemment Barnabé au visage. Celui-ci tombe sur le sol. Soumiya n'a d'autre choix que de partir seule sur le dos du dauphin. Ils s'éloignent lentement.
"Feu!"crie Messire Diego. Voilà que le canon crache des couteaux et du feu en direction de Soumiya. Le dauphin plonge alors dans la mer pour échapper à cette pluie de fer et de flammes. Malgré tout, il reçoit quelques éclats et un sillon de sang se forme sur les vagues. Soumiya porte à ce moment-là les mains à son ventre comme si elle voulait déjà protéger l'enfant qui s'est niché dans son corps. Le dauphin magique, bien que blessé, parvient à déposer Soumiya sur une plage de sable fin à proximité de son village africain. Nul doute qu'il guérira très rapidement, la blessure n'étant que superficielle!

Pendant ce temps Barnabé est sur le négrier qui vogue sur les flots en direction de l’Amérique où il sera traîté très durement. Arrivé dans le Nouveau Monde, il est vendu sur le marché aux esclaves. Comme il est beau et costaud et qu’il a bien résisté au trajet, Messire Diego le vend très cher pour être Esclave dans une plantation. Le père de Soumya et d’autres compagnons de traversée ont eu moins de chance: ils sont morts en route.
Chaque jour, Barnabé-Esclave se lève à 5 h du matin, réveillé par un claquement de fouet. Après l’appel et la prière, il travaille dans les champs jusqu’au soir. A minuit, après avoir nourri le bétail, il s’endort épuisé pour une courte nuit. Les années passent, identiques. Puis c’est la guerre entre les Sudistes et les Nordistes qui veulent supprimer l’Esclavage.

En Afrique Soumiya a eu une fille qu’elle a appelée Aïssatou. Elle va grandir loin de son père.. Pour Soumiya la vie n’est pas facile sans Barnabé. Ce n’est pas facile d’élever seule son enfant. Soumiya pleure souvent le soir. Elle a du chagrin en pensant à son mari probablement devenu Esclave en Amérique ou qui sait, mort... Elle essaie d'imaginer la vie qui est désormais la sienne. Et puis, il y a les questions qu'elle se pose, souvent: le reverra-t-elle un jour ? Est-il toujours vivant?

Et les jours, les années passent...
Aïssitou a 18 ans. La voilà encore plus belle que sa mère. Elle veut retrouver son père, persuadée que celui-ci est toujours vivant. Elle s’embarque clandestinement dans un bateau à destination de L’Amérique qui accoste dans le même port que le négrier français qui transportait son père. La guerre de Sécession vient de finir.
Elle questionne des gens qui vivent auprès du marché aux Esclaves qui est maintenant fermé puisque l’esclavage est devenu illégal…

De fil en aiguille, Aïssatou suit les traces de son père et de milliers d'autres Noirs arrachés à leur pays et leur famille tout comme lui. Lorsqu'enfin elle le retrouve, c'est face à un homme vieilli prématurément qu'elle se tient. Son corps est marqué de sa vie d'Esclave. Joie et pleurs se mêlent et le temps du voyage de retour au pays sera celui des confessions et des liens qui se tissent.