Bon Sel



Version catalane de Cendrillon


Il était une fois un roi qui avait trois filles. Comme il voulait savoir comment elles l'aimaient, il demanda à chacune d'elles :
"Toi, ma fille, dis-moi comment tu m'aimes."

L'aînée répondit qu'elle l'aimait comme la plus belle de ses robes, la seconde comme le plus beau de ses bijoux et la plus jeune comme le bon sel.
Pour le roi, le sel n'avait ni couleur, ni saveur, et il ravivait les plaies. Il chassa donc sa fille avec un sac de sel sur le dos et des chaussures de fer aux pieds en lui ordonnant de les user.

La fille marcha, marcha, longtemps, très longtemps, jusqu'à ce qu'elle arrive près d'une petite maison à la porte de laquelle elle frappa. La vieille qui habitait là la fit entrer, lui demanda de poser son sac et elle écouta son histoire.

Le temps passa. La fille se sentait bien dans cette chaumine, mais elle savait qu'elle n'avait pas accompli le chemin qui était le sien puisque son sac demeurait là et que ses chaussures étaient loin d'être usées. Elle décida de repartir. Avant, la vieille lui donna trois fruits dont elle pourrait peut-être avoir besoin un jour : une amande, une noisette et une noix.

La fille la remercia et s'en alla.
Elle marcha, marcha, longtemps, très longtemps jusqu'à apercevoir un château. Ses vêtements étaient en lambeaux et ses cheveux bien embrouillés. Elle fit le tour du palais et frappa à une petite porte qui se trouvait à l'arrière. On lui ouvrit. Elle proposa ses services. On l'employa dans les cuisines pour entretenir le feu. C'est ainsi qu'elle vécut, les cendres posées sur ses cheveux la faisant ressembler à une vieille, dormant dans l'âtre et remuant les braises. On la surnomma Cul-Cendron parce qu'elle s'occupait des chaudrons. Et le temps passa.

Puis vint à ses oreilles une nouvelle : le Prince organisait un bal pour choisir son épouse!
Ce soir-là, elle est seule en cuisine. Au-dessus de sa tête, le froufrou des robes, les talons qui claquent... C'est alors qu'elle se souvient de la vieille et des fruits qu'elle lui avait offerts... Elle saisit l'amande et la croque. Le vent, la tourmente, ses yeux qui se ferment... Quand elle les ouvre à nouveau, sa robe est une robe d'herbes et de feuillages. Elle monte le grand escalier qui conduit à la salle de bal, ouvre la porte et se retrouve dans les bras du Prince qui danse avec elle une bonne partie de la nuit. Quand elle cherche à se dégager, il lui demande d'où elle vient. Elle répond : "Je suis de la chocolatière".

Le Lendemain, le Prince la fait chercher partout mais de chocolatière, dans le royaume, il n'y a pas du tout... Il organisera un nouveau bal!

Ce soir-là, elle est seule en cuisine. Au-dessus de sa tête, le froufrou des robes, les talons qui claquent... C'est alors qu'elle se souvient de la vieille et des fruits qu'elle lui avait offerts... Elle saisit la noisette et la croque. Le vent, la tourmente, ses yeux qui se ferment... Quand elle les ouvre à nouveau, sa robe est une robe de plumes et de vent. Elle monte le grand escalier qui conduit à la salle de bal, ouvre la porte et se retrouve dans les bras du Prince qui danse avec elle une bonne partie de la nuit. Quand elle cherche à se dégager, il lui demande d'où elle vient, lui dit qu'elle l'a trompé. Elle répond, comme la première fois : "Je suis de la chocolatière".

Le Lendemain, le Prince la fait chercher partout et même au-delà des frontières mais de chocolatière, ici et ailleurs, il n'y a pas du tout... Il organisera un troisième bal!

Ce soir-là, elle est seule en cuisine. Au-dessus de sa tête, le froufrou des robes, les talons qui claquent... C'est alors qu'elle se souvient de la vieille et des fruits qu'elle lui avait offerts... Elle saisit la noix et croque les cerneaux. Le vent, la tourmente, ses yeux qui se ferment... Quand elle les ouvre à nouveau, sa robe est une robe d'eau dans laquelle se refète un arc en ciel. Elle monte le grand escalier qui conduit à la salle de bal, ouvre la porte et se retrouve dans les bras du Prince qui danse avec elle une bonne partie de la nuit. Quand elle cherche à se dégager, il lui demande encore d'où elle vient, lui dit qu'elle l'a trompé, la traite de menteuse. Elle répond, comme les fois précédentes : "Je suis de la chocolatière".

Mais malgré les recherches qui vont être ordonnées, au-delà des frontières, bien au-delà, dans toutes les directions qui soient, pas de chocolatière... Le Prince tombe malade, malade d'amour, et il se couche. Rien ne parvient à le dérider, aucun met ne l'engage à manger. Il reste prostré. A son chevet se succèdent sans interruption médecins et charlatans.

C'est alors que la fille aux cheveux de cendres propose de préparer un breuvage pour le Prince, doux et fort à la fois, un breuvage que savait confectionner sa grand-mère. Puisque toutes les tentatives ont été vaines, on accepte. Cul-Cendron au fourneau s'active. Enfin, elle monte le grand escalier et apporte au Prince qui somnole une tasse emplie d'une boisson qui chatouille sans qu'il le veuille ses narines et le jeune homme qui y porte les lèvres. Il manque s'étrangler. La Reine accourt : on a voulu tuer son fils. Il l'arrête : c'est une bague, celle forcément qui appartient à celle qui lui est destinée. La fille qui a apporté le breuvage devait savoir où la belle se trouvait. C'est un signe.

On fait venir toutes les jeunes dames du royaume pour essayer la bague. Arrive en dernier Cul-Cendron dans ses haillons miteux. Mais sa main est bien fine. La bague glisse et s'ajuste à son doigt.

Les noces sont décidées. La Princesse demande à inviter son père pour qu'ils se réconcilient enfin, après tout le temps passé loin l'un de l'autre. Elle émet un souhait : elle veut faire le repas sans aide de qui que ce soit. On va chercher le Roi. La Princesse aux fourneaux seule a élaboré un véritable festin digne des plus grands cuisiniers.

Enfin c'est le repas. On s'assied. Le Roi prend place. C'est l'invité d'honneur. On lui présente les plats sompteux. Mais quand il goûte au premier, il s'offusque : c'est sans goût, insipide, on se moque de lui, il n'y a pas de sel...

La Princesse s'avance et elle rappelle à son père que par un jour lointain elle prit le chemin de misère, un sac de sel sur le dos et aux pieds des chaussures ferrées.

Il y eut un silence que le Roi finit par rompre. Il demanda qu'on lui apporte le sac et invita sa fille à prendre place à ses côtés. Ainsi tous les convives purent festoyer pendant trois jours durant et même davantage.