Voici un conte du temps de notre enfance que l'on
n'entend plus guère. Mais à force, ne
risque-t-on pas de l'oublier? Raconté au printemps 2008 à
deux classes de l'école primaire Libération de Rives
(38) et de l'autre côté de la vallée à Barraux (38), elle
a été illustrée par des élèves qui ont eu la gentillesse de me les transmettre.
Merci à eux!
A la mort de leur père qui était meunier, trois
frères reçurent en héritage, l'un un moulin, le
deuxième un âne et le dernier un chat. Les deux
aînés ne se plaignirent pas de ce qu'ils avaient. Quant au
plus jeune, il se demandait bien à quoi il pourrait employer son
chat, hormis à chasser les souris... ce à quoi d'ailleurs ce dernier était très habile.
Un jour, le chat en question, voyant le désespoir de son
maître, s'adressa à lui en ces termes : "Si vous me faites
confiance, je ferai vote fortune. Il suffit pour cela que vous me
fournissiez un sac, un chapeau et une paire de bottes. Quant au reste,
je vous indiquerai quoi faire!" Un chat, c'est bien commun, mais un
chat qui parle... cela l'est beaucoup moins et puisqu'il n'avait rien
à perdre, le jeune homme décida d'exaucer les voeux de
son chat et il lui donna ce qu'il demandait.
La chat se chaussa, se vêtit et son sac sous le bras se rendit
dans un pré où il s'installa près d'un trou de
lapin, faisant mine de dormir. Il n'attendit guère de temps
avant qu'un jeune animal qui n'avait pas l'expérience de la vie
sorte de son terrier. Le chat bondit aussitôt sur lui et
l'introduisit dans son sac qu'il ferma solidement. Il se rendit ensuite
chez le roi et lui offrit sa prise, indiquant que ce présent
venait de son maître, le Marquis de Caraba. Le roi en fut
charmé et il se promit de se rappeler du nom de ce fameux
marquis. Quelque temps plus tard, ce fut au tour d'une jeune perdrix de
se faire prendre au piège et de nouveau le chat fit un
présent au roi qui le remercia sincèrement.
Un jour, le chat vint voir son maître et lui dit : "Mon
maître, les choses sont bien engagées pour vous et je vous
prierai de vous rendre avec moi au bord de la rivière et de
suivre scrupuleusement mes indications. Dès lors, votre destin
changera bien plus vite que vous ne pouvez m'imaginer!" Arrivés
auprès de la rivière, le chat dit à son
maître d'ôter ses vêtements, d'entrer dans l'eau et
de faire mine de se baigner. Dès que cela fut fait, il
déroba les vêtements, les cacha. Il savait que ce
jour-là le roi prévoyait de faire le tour de son royaume. Il était donc temps de mettre son plan à
exécution. Quand il entendit les roues du carosse sur les
pavés, il se précipita à la rencontre de
l'équipage et cria à qui voulait bien l'entendre : "Au
secours, au secours, voilà mon maître le Marquis de Caraba
qui se noie!" Le roi passant le tête par la fenêtre
reconnut le chat et demanda qu'on s'arrête aussitôt. Le chat
expliqua que pendant que son maître se baignait il était
venu des voleurs qui avaient dérobé ses habits et son
argent et qui avaient essayé de le noyer. Ils s'étaient
enfuis à l'approche du carosse. Le roi demanda qu'on aille
chercher des vêtements propres et convenables pour le Marquis et
lorsque cela fut fait, il l'invita à monter dans son carosse,
auprès de lui et de sa fille qui l'accompagnait, et de partager
leur promenade. Les jeunes gens échangèrent de petites
oeillades discrètes et leurs joues se colorèrent...
Le chat aussitôt partit à l'avant, coupa à
travers
champs et bois et parvint à un champ où travaillaient des
paysans. Il leur ordonna de dire au roi que ce champ appartenait au
Marquis de Caraba s'ils voulaient rester en vie. Ce qui fut fait. Le
roi s'extasia devant un champ qui produisait selon son
propriétaire tant de foin chaque année!
Le chat déjà était bien plus loin sur le chemin quand il
vit un superbe champ de blé et fit la même
"recommandation" aux moissonneurs. Le roi là encore
félicita le marquis d'avoir propriété si belle!
Le chat pendant ce temps était parvenu à un château
où l'on préparait une fête. Le propriétaire
en était un ogre qui, disait-on, avait la faculté de se
transformer en toute sorte d'animaux. Il demanda d'être conduit
auprès du maître des lieux, dans une salle immense. L'ogre
trônait sur un large fauteuil. Le chat fit une
révérence et commença à flatter l'ogre.
"Vous avez grande réputation, Monseigneur, et l'on raconte que
vous seriez capable de vous transformer en animaux, même parmi
les plus imposants. Je serais ravi de voir cette prouesse mais je
doute..."
"Vous doutez..." fit l'ogre vexé... "Et bien voyez!" Il frappa
dans ses mains, par trois fois, et le chat se retrouva face à un
lion énorme qui rugissait de manière effroyable. Il eut
juste le temps de filer sur le toit et n'en redescendit que l'orsqu'il
fut certain que les choses ne présentaient plus le moindre danger.
"Alors?... " dit l'ogre en riant de toutes ses dents... "Vous doutez toujours?"
"Oh que non!" fit le chat qui tremblait encore "Mais... si vous
êtes capable de devenir aussi grand et puissant qu'un lion,
seriez-vous capable de vous changer en animal aussi petit qu'une... "
"Qu'une souris?" fit l'ogre. "Il ne sera pas dit que le doute
l'emportera!" Et aussitôt il frappa dans ses mains, par trois
fois. Sur le plancher : une minuscule souris qui n'eut pas le temps de
se rendre compte de quoi que ce soit. Le chat lui sauta dessus et la
dévora toute crue!
Déjà, on entendait les roues du carosse sur les pierres
du chemin. Le chat descendit dans la cour, et s'adressant à tous
ceux qui oeuvraient pour préparer la fête, il ordonna
qu'on dise au roi que ce château appartenait au Marquis de
Caraba, sans quoi...
Le roi fut magnifiquement reçu. Il trouva que le marquis de
Caraba était décidément quelqu'un d'honorable et
la princesse elle-même se permit de regarder plus franchement le
jeune homme. Il était certain qu'il ne lui déplaisait
point! Les invités de l'ogre n'osèrent pas se
présenter à la fête, craignant de subir le
même sort que leur hôte. On mangea, on but, on rit et les
noces de la princesse et du Marquis se firent dans la foulée.
Cela dura 7 jours et 7 nuits, sans dicontinuer!
Depuis...? Le marquis et sa belle filent belle vie. Quant au chat, il
passe la plupart de son temps à se prélasser et lorsqu'il
en a envie, mais seulement quand il en a envie, il chasse une ou deux souris...