Il était une fois, du temps où :
il y avait de la magie dans l'air
les rois étaient magiciens
les mères étaient abandonnées
les jolies princesses portaient des robes multicolores
les villes étranges attisaient la curiosité des princesses
il fallait affronter des épreuves pour grandir
Il était une fois une Princesse qui vivait dans un château multicolore avec son vieux père et sa favorite. Le palais était spacieux, lumineux, agréable. De plus, il était magique puisque les objets pouvaient parler, conseiller la Princesse dans ses choix et l'aider quand elle était en danger. La Princesse Lorie, une jolie brune aux yeux bleus, ressemblait beaucoup à son palais, sa robe changeant de couleur en fonction des espaces qu'elle traversait: quand elle était dans la cuisine, elle prenait des teintes jaunes; dans la chambre, elle devenait rose; dans le salon, bleue; dans la salle de bain, elle virait au rouge; dans la salle à manger, elle était verte. Aussi loin qu’elle remonte dans sa mémoire, la Princesse n’avait aucun souvenir de sa mère et elle ignorait même si elle vivait encore. | ![]() |
Malgré l'univers paradisiaque qui entourait la Princesse, celle-ci s'ennuyait. Elle passait beaucoup de temps à sa fenêtre. Son regard se portait souvent vers la ville située en contrebas du château et dont elle devinait les premières maisons. Son père le Roi lui avait toujours interdit de franchir les portes du palais. Il avait donné l'ordre de les maintenir constamment fermées pour empêcher sa fille de se rendre dans la cité. Il prétendait que c'était dangereux, mais lorsque la Princesse demandait des explications, il changeait immédiatement de sujet de conversation et ne répondait jamais. De même, chaque fois que la Princesse l’interrogeait sur sa mère, le Roi lui disait seulement qu’elle était partie un jour et qu’il ne savait pas ce qu’elle était devenue. |
Le Roi avait une particularité : il était magicien. Il n’avait pas deux yeux comme vous et moi, mais trois, dont un dans le cou et qu'il tenait la plupart du temps fermé. On l'avait donc surnommé « Le Roi aux Trois yeux ». Cet oeil sans cils, et rouge lorsqu'il l'ouvrait, lui permettait de voir à travers les murs. Il fonctionnait indépendamment des deux autres. De cette manière, le Roi pouvait aisément surveiller sa fille et être constamment au courant de ses allées et venues.
Un jour, un Rat, qui avait réussi à creuser un trou puis un tunnel sous les murs du château, s'introduisit dans le palais et déroba un des souliers de Lorie. Elle le vit se glisser dans le tunnel. Elle le suivit. Le passage était étroit, juste suffisant pour que l'animal s’y faufile. Elle dut jouer des coudes, en élargir les parois avec ses ongles pour progresser derrière le voleur qui semblait régulièrement l’attendre. Lorie suffoquait mais sa détermination était telle qu’elle parvint au bout du passage.
Lorsqu'elle déboucha enfin à l'extérieur, elle aperçut le Rat qui se dirigeait vers la ville. Elle décida de le suivre et de récupérer ce qui lui appartenait. Mais c’était sans compter avec le Roi qui ne la laisserait probablement pas faire… S'étant rendu compte de la disparition de la Princesse, il ouvrit son Troisième oeil et la repéra immédiatement.
Le ciel se chargea brusquement de gros nuages d’orage, menaçants. Lorie avançait péniblement dans la boue et le vent embrouillait ses cheveux. Alors qu’elle pensait enfin atteindre la ville, le Roi fit apparaître devant elle une énorme crevasse remplie de crocodiles. Un peu de plus, et elle tombait dedans... Le Rat était de l’autre côté, avec sa chaussure volée ! Comment faire ? C’est alors que Lorie rencontra un mendiant qui faisait la manche. Il lui demanda de l'argent. Lorie n'avait plus grand chose sur elle, ses poches étant trouées et sa robe en lambeaux. Elle réunit malgré tout le peu de pièces qui lui restaient. L’homme la remercia en lui offrant un parapluie, qui, disait-il, lui permettrait de franchir la crevasse sans encombre. Il suffisait pour cela de l’ouvrir et elle s’envolerait.
Lorie suivit ses indications et… elle passa de l’autre côté. Quand elle se retourna, la crevasse et les crocodiles avaient disparu. A la place s’étirait une prairie fleurie et au-dessus de cet endroit, les nuages noirs avaient laissé la place à un ciel bleu. Devant elle, à quelques pas tout au plus, le Rat l’attendait, avec sa chaussure.
Alors qu’elle pensait pouvoir poursuivre son chemin vers la ville, le Roi, qui avait de nouveau ouvert son Troisième œil, fit jaillir de terre un mur infranchissable. Au-dessus de la tête de Lorie, les éclairs fendirent le ciel et le tonnerre gronda. Comment faire… ? A côté de ce mur, il y avait un arbre, et sur cet arbre un perroquet. L'oiseau lui dit qu’il pourrait l’aider à condition qu’elle lui donne le beau pendentif qu’elle portait au cou. Or, c’était le seul souvenir de sa mère… Elle finit par accepter et le perroquet lui offrit une plume. Si elle caressait le mur avec cette plume, le mur s’écroulerait.
Lorie chatouilla le mur. Une brèche s'ouvrit, permettant à Lorie de se glisser de l’autre côté. Quand elle se retourna, il ne restait aucune trace du mur. Devant elle, la ville s’élevait maintenant, une ville complètement déserte.
![]() | A force de marcher, Lorie arriva près d’une maisonnette qui était à l’écart de la ville. Elle aperçut d’abord son jardinet, charmant, et qui débordait de fleurs. Elle ignorait que c’était la maison de sa mère et que celle-ci avait été chassée du château par le Roi qui l’avait trompée avec une autre femme qui avait pris place à ses côtés. Pendant toutes ces années, elle avait passé beaucoup de temps à apprivoiser un Rat et à lui apprendre à voler afin qu’il attire sa fille jusqu’à elle et qu’elle la retrouve enfin. La Princesse franchit le portillon du jardin, attirée par un chant. Etrangement, elle avait la sensation de le connaître. Elle se mit à le fredonner en même temps que la femme qui s’occupait de ses fleurs. Leurs voix se mêlèrent. |
Lors de leurs retrouvailles, l’ex-Reine raconta son histoire à la Princesse et celle-ci comprit pourquoi son père avait tant cherché à l’empêcher de la revoir : il ne voulait pas perdre la face devant Lorie. Au moment où, s'étant reconnues, elles s’étreignaient, le Troisième œil du Roi disparut, comme par enchantement. On entendit celles et ceux qui avaient été délivrés du sort lancé par le Roi sur la ville se réjouir : chants et danses se succédèrent pendant plusieurs jours. Lorie invita même son père le Roi et sa femme à venir les rejoindre, maintenant que les portes du château étaient ouvertes. Le Monarque regretta son égoïsme et ce qu’il avait fait. Il s’excusa auprès de tou(te)s pour avoir provoqué leur malheur. Lorie resta avec sa mère : elles avaient tellement de choses à se dire et à partager! Il fallait rattraper tout le temps perdu, sans perdre un instant!...
Voilà comment se termine cette histoire, et c'est bien comme ça.