C'était du temps où...
les ogres vivaient en ville
les chevaux volaient
les loups étaient herbivores
les montagnes n'existaient pas encore
les montagnes touchaient le soleil
la forêt était jaune
l'homme était la femme
Dans ce temps-là, il y avait un Roi et une Reine qui vivaient dans un palais entouré de forêts et de champs. Ceux-ci donnaient du maïs et du blé en abondance. Le climat tempéré de ce royaume était particulièrement agréable. A l'intérieur du château, on pouvait admirer des lustres en verre, des miroirs accrochés aux murs, des sols brillants, des lits à baldaquins... Les Souverains avaient un fils, le prince Norbert, beau comme un Dieu et fort comme un boeuf.
Tout aurait pu durer longtemps, tout aurait pu ne jamais se terminer s'il n'y avait eu ce jour néfaste où toutes les cultures furent détruites, probablement par l'Ogre-Géant de la montagne. On ne l'avait jamais apprécié et on craignait toujours ses déplacements nocturnes qui se soldaient souvent par de graves conséquences.
On disait de cet Ogre qu'il était laid, qu'il se lavait en se roulant dans la boue, que ses repas se composaient de maïs, de blé et... de chair humaine. Il était si grand qu'il se servait d'une brosse à dents en cheveux humains. Sa peau était verte, ses oreilles en forme de tire-bouchons et il n'avait que quatre doigts à chaque main. Personne ne voulait risquer sa vie à aller lui demander des comptes , sauf le Prince Norbert qui pensait qu'il était temps de faire quelque chose. Dès lors, il s'entraîna chaque matin à faire des altères en soulevant deux chevaux. Enfin, le jour où il parvint à casser un arbre avec un seul doigt, il décida de partir voir le Géant. Il prépara un sac rempli de provisions. Il était prêt! |
Il marcha des jours et des jours et finit par arriver à un torrent infranchissable. Il n’y avait aucun pont et le courant était très fort. Il n’avait toutefois pas d’autre solution que de se jeter à l’eau. Immédiatement, il fut emporté par le flot et il pensait qu'il allait se noyer lorsqu’il sentit sous ses doigts un objet auquel il s'agrippa. C’était une longue barbe, et non pas une branche comme il l’avait d’abord cru. Et cette barbe était celle d’une Vieille qui se trouvait perchée sur un arbre qui surplombait le torrent. Elle avait aperçu Norbert en mauvaise passe. Grâce à elle, il parvint sans encombre de l’autre côté. Pour la remercier, Norbert lui donna un bijou : une barrette que la vieille pourrait utiliser pour attacher sa barbe et s’embellir.
Tout aurait pu durer longtemps, tout aurait pu ne jamais se terminer. Norbert reprit sa marche. Bientôt, il vit une Vieille Maigre et Ratatinée, courbée en deux sous le poids de sa lourde charge. Il proposa de l’aider. Il méritait bien son surnom d'Homme aux Grands Pieds. Il porta non seulement la charge mais la Vieille elle-même, sur son dos, et il n’eut aucun mal à parcourir la grande distance qui séparait la femme de sa maison. Elle le remercia en lui offrant une épée magique qui était belle, légère, tranchante et si brillante qu’elle pouvait aveugler celui qui la fixerait.
Tout aurait pu durer longtemps, tout aurait pu ne jamais se terminer. Il marcha jour et nuit pour arriver au pays du Géant. Il aperçut une Grosse Vieille qui pleurait, s’approcha d'elle et lui demanda pourquoi elle était triste. Elle répondit qu’elle ne savait pas comment faire descendre son chat de l’arbre dans lequel il était coincé. Norbert grimpa dans l'arbre tortueux. Son feuillage était si touffu qu'il ralentissait sa progression. De plus, il devait éviter les très nombreuses épines auxquelles il aurait pu se blesser. Il parvint malgré tout à libérer le chat. Norbert expliqua à la Vieille qu’il était le fils du Roi Poya et qu'il venait pour délivrer la contrée de l'Ogre. La Vieille le remercia en lui donnant son cheval Pégaze.
Tout aurait pu durer longtemps, tout aurait pu ne jamais se terminer. Norbert atteignit le pied de la montagne qu'il n'aurait jamais pu escalader seul tant elle était haute et couverte de glace. Heureusement, Pégaze se servit de ses ailes pour emporter Norbert au somment, là où se trouvait la grotte du terrible Géant. Celui-ci ronflait extrêmement fort. Norbert s’introduisit sans faire de bruit dans la caverne éclairée par la lumière que produisaient les fées phosphorescentes enfermées dans des bocaux étanches. Malheureusement, l’Ogre ouvrit un œil au moment où il s’approchait de lui.
Le Prince eut juste le temps de bondir sur le dos de son cheval qui s’envola dans les airs et fonça sur l’Ogre. Norbert avait chaussé son épée qui éblouit le Géant et il la planta dans le cœur du monstre. Le sang jaillit et se déversa en flots larges jusqu'au pied de la montagne, formant un lac nauséabond qui prit des teintes de gris et de verts. L'Ogre-Géant de la montagne était bel et bien mort!
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De retour dans son pays, le prince Norbert fut acclamé. Tous les habitants vécurent désormais heureux sans plus jamais être importunés par l’Ogre-Géant.
Mais on n'oublia jamais cette histoire et on raconte, encore aujourd'hui, que quiconque s'aventure dans ce lieu reculé entend à la mi nuit, les cris épouvantables. Frissons garantis!