Les Trois Frères


Cette histoire se passe au temps où :

les singes avaient des ailes

les sorcières faisaient la loi

les monstres mythiques existaient bel et bien

Il était une fois un roi qui se prénommait David. Comme il portait constamment sa couronne sur sa tête, on l'avait surnommé « Le Roi à la couronne de diamants ». C'était un roi très beau, blond aux yeux bleus et à la peau mate, fort comme Ulysse. Mais il n'en avait pas toujours été ainsi : jusqu'à ses dix huit ans, il avait été très laid, totalement chauve et ayant les yeux rouges. Pour pallier ces inconvénients, la mère de la Reine des fées, autrement dit la Doyenne, lui avait offert une couronne pour son anniversaire, afin qu'il puisse trouver une épouse. Suite à ce don, il avait réussi à se marier et même, il avait plusieurs épouses; en tout, une dizaine. Toutes venaient de pays étrangers et ne connaissaient pas son secret qu'il avait interdit de divulguer au risque de perdre la vie. Elles n'avaient pas le droit d'allumer ne serait-ce que la plus petite chandelle la nuit.

« Le Roi à la couronne de diamants » était heureux depuis qu'un fils, enfin, lui avait été donné, ses enfants précédents étant des filles qu'il avait au nombre de quatre.

Le bonheur du Roi aurait pu être total si sa Première Epouse, qu'il avait choisie pour sa richesse et non pour son physique ou son caractère (elle était cruelle, laide et méchante), par jalousie à l'égard de celle qui avait donné le jour à un garçon qui serait inévitablement l'héritier du royaume, n'avait fait disparaître l'enfant. Elle connaissait également le secret du Roi pour avoir réussi à l'apercevoir, et comptait bien pouvoir s'en servir un jour ou l'autre!

David fit annoncer dans tout le royaume qu'il récompenserait celui qui retrouverait le Prince, ignorant même que c’était sa Première Epouse qui était responsable de sa disparition. Avec une simple formule magique , « Abracadabri, abracadabra, viens avec moi! », et l'agitation de sa baguette, elle l'avait hypnotisé et emporté dans sa maison perdue au milieu des bois.

Trois hommes se présentèrent ensemble au palais. Ils étaient frères. Le premier avait pour nom Henri et il était connu pour sa grande intelligence ainsi que pour son aptitude à faire les calculs les plus complexes, et ce, de tête. Le second, Lucas, était très fort : il était capable de soulever des murs. Quant au troisième, Arthur, il était extrêmement rapide : il courait tellement vite dans l’eau qu’on aurait pu croire qu’il marchait à sa surface.


Ils promirent au Roi de retrouver son fils et prirent sans attendre le chemin qui s'ouvrait devant eux. Ils marchèrent longtemps, jusqu'à ce qu'ils atteignent un endroit marécageux où la boue était marron et verte. L'atmosphère était extrêmement humide. Tandis qu’ils avançaient à grand peine, ils entendirent derrière eux des bruits qui s’approchaient et lorsqu’ils se retournèrent, ils virent un Dragon qui s’était lancé sur leurs traces. Ils rencontrèrent aussi un Morille, sorte de singe volant, englué dans l’eau saumâtre. Arthur ne réfléchit pas longtemps : il prit ses frères et le Morille sur son dos et allongea le pas pour échapper au Dragon. Ils eurent juste le temps de sortir du marécage avant que leur poursuivant ne les rattrape !

Ils marchèrent longtemps, jusqu'à ce qu'ils arrivent à une maison. La porte était fermée et aucune autre ouverture n’était visible. Ils étaient épuisés et avaient besoin de se reposer... Alors qu’ils se désespéraient, ils entendirent la porte parler. Elle leur posa une énigme. S’ils parvenaient à la résoudre, ils pourraient entrer. Henri se prépara, ouvrit toutes grandes ses oreilles et écouta la question.

Il répondit sans la moindre hésitation : Mon premier est le VIN. Mon deuxième est le SANG. Mon tout est celui que nous cherchons : VINCENT.

Et si, en entrant, ils le trouvaient...? Peut-être cette maison-là lui servait-elle de prison! Pour autant, ils devraient se montrer prudents. Ils poussèrent la porte qui ne résista pas. Ils avancèrent lentement car l'obscurité était totale. Soudain, ils furent assaillis par une multitude de squelettes. Lucas fit signe à ses frères : il s'en chargeait! Tandis qu'il les occupait, Henri et Arthur, accompagnés du Morille, se faufilèrent et inspectèrent les lieux. Ils finirent par découvrir une cage dans laquelle le Prince était enfermé. Pas de clef bien sûr! Le Morille vola jusqu'aux squelettes et en aperçut une qui pendait au cou de l'un d'entre eux. Il s'en empara et revint rapidement vers les deux frères. Il fallait faire vite avant que tous les squelettes ne viennent leur chercher des noises. Lucas s'en sortait bien, mais tout de même!...

Ils libérèrent le Prince Vincent et rentrèrent ensemble au palais. Sur le chemin, le Morille raconta aux jeunes gens son histoire : il avait été transformé en animal par la Sorcière, alias la Première Epouse du Roi David. Le Prince voulait remercier tous ses compagnons, y compris le Morille. Il se promit de le faire dès son arrivée. Lorsqu'ils parvinrent aux abords du château, la sentinelle qui faisait le guet sur le chemin de ronde s'écria que le Prince était de retour! Le Roi se précipita à la rencontre de Vincent et de ses compagnons. Il embrassa son fils qui lui raconta rapidement l'histoire. Pour remercier ceux qui l'avaient retrouvé, il ordonna de grandes réjouissances et proposa à chacun des frères d'épouser une de ses filles. Lorsque celles-ci s'avancèrent, chacun trouva sa chacune. C'est aussi à ce moment-là que le Morille sentit son coeur battre dans sa poitrine : il venait d'apercevoir la quatrième fille du Roi et il la trouva si belle qu'en tombant amoureux, il retrouva sa forme humaine. Le mauvais sort était définitivement éloigné. Le Roi organisa de belles fêtes pour les quatre mariages qui furent célébrés en même temps.

Mais qu'advint-il de la Sorcière? D'abord, on fit comme si personne ne savait qu'elle était responsable de l'enlèvement et de la séquestration du prince Vincent. On la laissa assister aux festivités jusqu'au moment où les quatre amis proposèrent au Roi un divertissement. Alors, tout se passa très vite : ils se précipitèrent sur la Sorcière, la ligotèrent et l'amenèrent devant « le Roi à la couronne de diamants ». Grâce à sa baguette, ils l'hypnotisèrent et ordonnèrent qu'elle soit transportée par magie dans un désert sans âme qui vive. Puis ils brisèrent la baguette pour ne pas être « tentés » de la faire revenir...

Dès lors, ils vécurent heureux et ils le seront jusqu'à la fin des temps.