LE CHENE DE L'OGRE , conte
traditionnel
Mon conte est comme un ruisseau , il se déroule comme un
long fil ...
Il était une fois , il y a de cela bien longtemps , il y avait
un vieux , un très très vieux , un plus que vieux, si
vieux et si fatigué qu'il n'avait plus la force de se lever de
son lit dans lequel il restait constamment couché .
Chaque jour , sa petite fille Aïcha lui rendait visite pour lui
apporter à manger , s'occuper de lui , et lui tenir compagnie .
Quand elle arrivait devant sa porte , elle chantait pour que son
grand-père la reconnaisse : "Ouvre-moi la porte , oh mon
père Inouba , oh mon père Inouba !" Ce à quoi le
vieux répondait : "Fais tinter tes petits bracelets , oh
Aïcha ma fille !" L'enfant faisait tinter les petits bracelets qui
ornaient son poignet et le vieux tirait sur la ficelle qui était
accrochée à la poignée de la porte afin que
celle-ci s'ouvre .
Les choses auraient pu durer longtemps ainsi , les choses auraient pu
ne jamais se terminer , mais c'était sans compter avec ce qui
, dans cette histoire , allait se passer .
Dans la forêt toute proche , il y avait un orgre qui observait
depuis quelque temps le manège d'Aïcha et il n'avait qu'une
envie : manger le vieux et ensuite se délecter de la chair
succulente de l'enfant . Il écouta bien la chanson et un jour ,
alors que la fillette n'était pas encore arrivée , il
tenta sa chance et chanta : "Ouvre-moi la porte , oh mon père
Inouba , oh mon père Inouba !" Mais sa voix était
rauque et non point limpide comme celle de la fillette et la
grand-père répondit : "Je sais qui tu es , tu es l'ogre ,
l'ogre de la forêt , et je sais ce que tu veux faire , mais tu
n'entreras pas . Je suis peut-être vieux et malade , mais je ne
suis pas gâteux ! Passe ton chemin , maudit !"
L'ogre était furieux mais il ruminait sa vengeance . Il alla
voir un vieux qui habitait dans la forêt et qu'on disait sorcier
. Il lui demanda de lui donner une voix aussi fine et aussi claire que
celle de Aïcha . Le sorcier lui dit d'aller acheter un pot de miel
puis de s'étendre sur la mousse de la forêt , d'ouvrir sa
bouche , d'enduire sa gorge de miel et de laisser les founmis entrer et
sortir pour la râcler de telle manière que sa voix
devienne douce .
L'ogre alla acheter le pot de miel , chercha un endroit confortable
pour s'allonger et , ouvrant la bouche, il s'enduisit la gorge de miel
et laissa les fourmis ... entrer , venir , entrer , venir , entrer ,
venir ... longtemps . Considérant que sa voix devait être
à présent aussi fine et aussi claire que celle de
l'enfant , il retourna chez le grand-père , s'éclaircit
la gorge puis chanta : "Ouvre-moi la porte , oh mon père Inouba
, oh mon père Inouba !" Mais sa voix était tantôt
claire , tantôt râpeuse comme les rochers et le vieux
répondit comme la première fois : "Je sais qui tu es , tu
es l'ogre , l'ogre de la forêt , et je sais ce
que tu veux faire , mais tu n'entreras pas . Je suis peut-être
vieux et
malade , mais je ne suis pas gâteux ! Passe ton chemin , maudit !"
Furieux , l'ogre repartit dans la forêt et recommença
l'opération avec le miel , en restant cette fois-ci
allongé plus longtemps . Les foumis entraient , sortaient ,
entraient , sortaient ...
Enfin , il décida qu'il était temps pour lui de gagner la
maison du grand-père et arrivé devant la porte , il
chanta pour la troisième fois : "Ouvre-moi la porte , oh mon
père Inouba , oh mon père Inouba !" Ce à
quoi le vieux répondit : "Fais tinter tes petits bracelets , oh
Aïcha
ma fille !" L'ogre avait tout prévu : il portait au poignet une
chaîne qu'il bougea à la manière des petits
bracelets d'Aïcha . Le vieux tira sur la ficelle et la porte
s'ouvrit . L'ogre sauta sur le vieux et il le dévora tout cru
puis il se glissa dans les draps du grand-père et il attendait
patiemment l'arrivée d'Aïcha tout en digérant
tranquillement .
Lorque celle-ci arriva , elle remarqua qu'en dessous de la porte un
filet de sang coulait et elle pensa qu'il était arrivé un
malheur à son grand-père . Elle mit une grosse barre de
fer en -travers de celle-ci et elle chanta pour en avoir le coeur net :
"Ouvre-moi la porte , oh mon père Inouba , oh mon père
Inouba !" Mais sa voix tremblait . L'ogre répondit alors :
"Fais tinter tes petits bracelets , oh Aïcha ma fille !" avec une
voix trop haut perchée pour que l'enfant reconnaisse celle de
son aïeul . Elle lâcha la plat de couscous qu'elle
avait apporté et elle courut chez elle le plus vite qu'elle put .
Elle raconta à ses parents ce qui s'était
passé et ceux-ci réunirent leurs voisins . Ils
décidèrent d'aller ramasser des fagots de bois puis ils
partirent en direction de la maison du vieillard . Ils en
placèrent tout autour de la bâtisse puis il y mirent le
feu . L'ogre hurla , tempêta , demanda grâce , mais
personne ne lui ouvrit . Il ne resta de lui qu'un tas de cendres .
Au milieu des décombres , un arbre a poussé . C'est un
chêne . On le nomme le chêne de l'ogre et on le montre aux
passants .
Ce conte est comme un ruisseau , je l'ai conté à des
seigneurs ...