Vérité et Mensonge (conte russe)


Vérité et Mensonge marchent ensemble sur le chemin.
Au bout d'un moment, Vérité demande à Mensonge qui porte le sac se trouve la nourriture un morceau de pain. Mensonge accepte à une condition : Vérité doit se laisser crever l'oeil droit. La chose faite, Vérité reçoit son dû. Ils poursuivent leur route lorsque Vérité réclame de nouveau quelque chose à manger. La condition posée par Mensonge : qu'il se laisse crever l'oeil gauche. Vérité finit par accepter si Mensonge promet de lui servir de guide lorsqu'il sera aveugle. Mensonge dit être d'accord mais il s'en va et laisse Vérité seul au milieu du chemin.
Vérité erre, ignorant où il se trouve et où il va. Au bout d'un moment, il entend une voix qui lui dit que tout problème a une solution : Vérité devra marcher jusqu'à la source qui chante, baigner ses yeux avec son eau puis monter dans un grand arbre qui se trouve à proximité, y rester la nuit sans bouger et en étant attentif à ce qui se passera. Vérité finit par entendre la source et procède comme la voix le lui a indiqué. Il recouvre la vue. Il grimpe à l'arbre et attend. La nuit vient. Vérité entend des bruissements d'ailes, des martellements de pieds et des voix qui s'entremêlent. Les diables qui se sont réunis là, au pied de son arbre, racontent les méfaits qu'ils ont commis durant l'année. Le dernier à s'exprimer dit que personne ne l'a encore découvert et qu'il est extrêmement bien caché : dans un palais qui se trouve dans un autre palais. Il s'agit de la bouche de la princesse. Celle-ci n'a plus goût à la vie depuis qu'il a élu domicile en elle. Elle reste alitée constamment et ses forces décroissent de jour en jour. Pour la libérer, il faudrait que quelqu'un achète une image pieuse à un marchand, la trempe dans l'eau trois fois avant de la passer devant le visage de la princesse. Cela aurait pour effet de chasser l'intrus. Vérité n'a pas bougé. Au petit matin les diables s'en sont allés.
Dès leur départ, Vérité part en quête d'un marchand qui posséderait l'image pieuse recherchée. Il le trouve et veut acheter l'objet. Le marchand refuse et donne comme condition pour l'obtenir que Vérité travaille pour lui une année. Le marché est conclu. Mais, en fin de compte, Vérité est contraint de renouveler son engagement deux fois. ce n'est qu'au bout de trois années que le marchand accepte de le payer avec l'image convoitée.
Vérité se rend au palais et demande à voir la princesse. Il procède comme la voix le lui avait expliqué : il trempe l'image pieuse dans l'eau, trois fois, la passe devant le visage de la fille. Aussitôt, celle-ci ouvre la bouche et le diable s'en va. Elle retrouve ses couleurs, son appétit et sa joie de vivre. Le Roi demande à Vérité ce qu'il souhaite comme cadeau mais Vérité se satisfait de voir la princesse recouvrer la santé. C'est la princesse elle-même qui dit alors qu'elle veut épouser son sauveur.
Le temps passe. Un jour, Vérité et la princesse parcourt le royaume en carrosse. Ils croisent un homme sur le chemin et aussitôt, Vérité le reconnaît : il s'agit de Mensonge, aux allures de mendiant. Vérité l'appelle et lui dit que jadis ils ont été compagnons, qu'il s'est laissé crever les yeux pour une bouchée de pain mais qu'aujourd'hui la vie lui sourit et que sa fortune est faite. Vérité n'en veut nullement à Mensonge et même, il lui explique comment trouver sa chance : aller dans la forêt où chante une source d'eau claire, s'y baigner les yeux, grimper en haut de l'arbre le plus haut et attendre sans bouger la nuit entière en écoutant bien ce qui se passera.
Mensonge se rend dans le bois et fait exactement ce que lui a dit Vérité. La nuit venue, les diables arrivent et parlent de leurs forfaits. En voilà un qui s'offusque d'avoir été débusqué : quelqu'un a dû entendre leur discussion, quelqu'un perché probablement au-dessus de leurs têtes... Ils hument l'air et découvrant la présence de Mensonge le réduisent en pièces.