Conte de Mensonge(s)


Le texte proposé ici s'appuie sur un conte lu dans le livre "Le conteur amoureux" de Bruno De la Salle. A l'oral, et par le truchement des sinuosités imaginaires, il a subi quelques légères modifications. Nous vous proposons  de découvrir la forme approchante de ce qui a été raconté dans le cadre du projet Chaperon Rouge qui s'est déroulé sur Echirolles en 2009.



photo : Yvon Vernotte

Un soir je me suis levée et pour bien commencer ma journée, je me suis dit que j'allais aller faire un tour à la cave mais arrivée devant la porte, j'ai constaté qu'elle était fermée et surtout que je n'avais pas de clef. Peut-être qu'elle était tombée de ma poche qui n'était pas trouée. J'ai décidé d'aller demander à mon père s'il l'avait. Mais mon père ne l'avait pas et il m'a dit d'aller voir mon grand-père. Lui-même ne l'avait pas. J'ai donc dû aller voir son père, autrement dit mon arrière grand-père. Bref, de fil en aiguille, j'ai fini chez mon arrière-arrière-grand-père qui l'avait. Elle était à portée de main. Il m'a dit que je n'avait qu'à la prendre mais... Plus j'étirais le bras, plus la clef s'éloignait. Il a vraiment fallu que je me hisse sur la pointe des pieds pour l'atteindre.

Je suis donc retournée chez moi pour ouvrir la porte de ma cave mais... la porte avait toujours été ouverte et je n'avais pas besoin de clef... J'ai poussé la porte et je suis arrivée dans un champ. Oui, il y avait un champ à la place de la cave! En plus, il n'était pas labouré. Il y avait une charrue mais pas de boeuf(s) à mettre devant. J'ai aperçu des chiens, deux chiens, et ils étaient morts. Je me suis dit que c'était mieux que rien et je les ai attachés, pas devant la charrue, mais derrière, et j'ai dit à la charrue : "Oh la, avance la charrue!" Elle est partie toute seule, à fond de train, ce qui fait que les chiens se sont enfoncés dans la terre. J'ai tout de suite dit : "Oh la oh, la charrue, arrête-toi!" Je suis allée voir : c'est à peine si on distinguait encore les chiens... Leur joug était brisé. J'ai décidé de le réparer. J'ai pris un brin de paille et je les ai rattachés.

J'étais épuisée et je me suis endormie. Quand je me suis réveillée, la paille avait poussée et je me trouvais sur un arbre, grand, haut! Je n'avais jamais vu d'arbre comme celui-là et j'ai décidé de le visiter. De branche en branche je suis allée. Ca m'a pris une bonne partie de la journée! C'était le moment de rentrer parce que le soleil allait se lever mais je ne pouvais pas redescendre : l'arbre avait toutes ses branches mais plus de tronc... Je suis donc allée chercher une corde chez moi et je l'ai attachée à une branche solide. Je suis decendue, descendue mais quand je suis arrivée au bout de la corde, je n'étais toujours pas en bas. Si j'avais sauté, je me serais brisé la nuque! Je suis remontée, j'ai coupé un bout de la corde du haut que je suis allée attacher au bout de la corde. J'ai recommencé plusieurs fois jusqu'à ce qu'il ne me reste qu'un bout de corde si petit qu'il m'était impossible de le lier. Je n'avais pas le choix : j'ai sauté, en écartant les bras pour faire un vol plané. J'ai vu arriver la terre et ma tête s'y est fichée. Je ne pouvais pas la sortir et je me retrouvais les fesses en l'air. Pas très pratique pour raconter des histoires... Je suis allée chercher une pelle, en laissant ma tête dans la terre.

Quand je suis revenue, j'ai vu qu'un loup était en train de me bouloter les oreilles. Ca, c'était pas possible! Je lui ai tapé dessus avec ma pelle pour lui faire lâcher prise. Je lui ai tapé sur la tête parce qu'il continuait de plus belle. J'ai tapé si fort, oui, si fort, qu'il a fini par s'arrêter et par me regarder et là, il m'a tiré la langue... Une langue de papier mâché. Avec tout ce que je lui avais donné... Et sur sa langue, il y avait des mots qui étaient écrits : les conteurs ne sont pas faits pour être crus mais pour être mangés. Oh la la! J'ai pris mes jambes à mon coup et je me suis sauvée!

C'est comme ça que je me suis retrouvée ici, à vous conter l'histoire...